01 Juin 2022
Posté le dans CSE en actu, Droit & Jurisprudence
Les cadres dirigeants salariés peuvent désormais, sauf exception (Cf. Art. l 2314-19), participer aux élections du CSE, comme électeurs et comme candidats. C’est en synthèse la réponse qu’a apporté le Conseil constitutionnel, le 19 novembre dernier, à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui lui a été posée par le Syndicat CFE-CGC Carrefour. Une précision et un changement de cap d’importance, au moment où de nombreux CSE vont être renouvelés dans les mois et semaines qui viennent.
La situation avant la décision du conseil constitutionnel
Selon le code du travail :
- pour être électeur (au CSE), le salarié doit avoir au moins 16 ans, travailler dans l’entreprise depuis au moins 3 mois, et ne pas être privé de ses droits civiques (art. L 2314-18),
- pour être éligible, l’électeur doit avoir 18 ans, travailler depuis au moins un an dans l’entreprise, et ne pas avoir de liens familiaux avec l’employeur : conjoint, PACS, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l’employeur (art. L 2314-19).
En se référant à ces deux textes, la Cour de cassation a ajouté des exclusions visant certains cadres dirigeants. Il s’agit de ceux qui :
- soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise,
- soit représentent effectivement ce dernier devant les institutions représentatives du personnel.
A noter, pour certains cadres « dirigeants », la Cour de cassation avait déjà réduit la portée de cette exclusion dans plusieurs de ses décisions (voir tableau en fin de texte)
Retour sur l’histoire Carrefour
Des élections professionnelles avaient été organisées en novembre 2019. Faute d’accord pré-électoral, l’administration avait fixé la composition des collèges électoraux en intégrant les directeurs de magasin dans le collège cadres.
Contestant l’attribution de la qualité d’électeur aux directeurs d’établissement, la CGT avait formé une demande d’annulation des élections professionnelles devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.
C’est à cette occasion que le syndicat CFE-CGC Carrefour a posé sa QPC : l’article L 2314-8 tel qu’interprété par la Cour de cassation est-il constitutionnel ? Précisément cette règle n’est-elle pas porte-t-elle pas une atteinte « manifestement disproportionnée » par rapport au principe de participation inscrit à l’article 8 du Préambule de la constitution de 1946 ?
- Principe de participation : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».
« Si » répond le Conseil constitutionnel ; ce qui signifie que désormais les cadres dirigeants salariés pourront être électeurs et éligibles.
Un revirement qui joue uniquement pour le futur
Attention, le Conseil constitutionnel a reporté l’abrogation de la règle au 31 octobre 2022. D’ici là, les cadres remplissant au moins un des deux critères précédemment posés par la Cour de cassation pourront continuer à être écartés du corps électoral des entreprises et établissement où se dérouleront les élections au CSE.
Exemples de cadres pouvant être inscrits au corps électoral | Références |
Cadres n’ayant que la possibilité de transmettre des réclamations ou sollicitations à leur direction sans détenir de pouvoir de décision et n’avaient aucune des prérogatives du chef d’entreprise, que celui-ci avait conservé | Cass. soc., 12 mars 2003, n° 01-60.730. |
Le cadre qui dispose simplement du pouvoir d’établir les plannings de travail et l’ordre des départs en congé ne saurait être assimilé au chef d’entreprise et empêché d’être électeur et éligible aux élections du comité social et économique | Revue de jurisprudence sociale, 2021, n° 6, p. 498-500 |
Directeur d’une agence d’intérim dont les attributions étaient limitées, pour les intérimaires, à l’identification des candidats et soumises, en cas de sanction, à l’aval préalable de la direction juridique ou du directeur de zone, et qui n’avait aucune prérogative en matière de recrutement et de licenciement des salariés permanents | Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-23.572 |
Salarié qui n’avait exercé qu’une fois et de façon partielle un pouvoir disciplinaire au sein de l’entreprise, dans la mesure où il ne disposait pas d’une délégation écrite d’autorité et ne représentait pas l’employeur devant les institutions représentatives du personnel | Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 19-20.587 |
Salarié qui « ne présidait plus les réunions des instances représentatives du personnel depuis plus d’un an, peu important qu’il résulte du procès-verbal de la réunion des délégués du personnel qu’il ait répondu à des questions | Cass. soc., 8 décembre 2010 |
Pour en savoir plus, retrouvez ici l’arrêt de la cour de cassation